• Le groupe Bayer-Monsanto, lourdement sanctionné par la justice américaine cette semaine, a également chuté en bourse à l'annonce de cette sanction. Retour sur une fusion controversée. 

    Fusion Bayer-Monsanto, de quoi s'agit-il ? 

    En 2018, l'entreprise Bayer, leader allemand et mondial dans le domaine pharmaceutique, a fait l'acquisition pour 63 milliards de dollars de l'entreprise américaine Monsanto qui dominait alors le marché des semences et des pesticides. Monsanto produisait notamment le fameux herbicide Roundup, énormément critiqué dans le débat public puisqu'il contient du glyphosate soupçonné d'être cancérigène. 

    Quels sont les risques économiques  ?

    Les risques économiques sont clairs : la fusion de ces deux grands groupes nuit à la concurrence. Le marché mondial des semences (graines de blé, de maïs, de soja...) et des pesticides est orchestré par un oligopole composé de quelques groupes (Sinochem et ChemChina en Asie, Dow et Dupont en Australie et en Amérique). Or, un oligopole si restreint risque de conduire à une hausse des prix des produits, que subiraient les consommateurs, et notamment les agriculteurs qui utilisent ces produits. D'autant plus que les produits vendus par ces groupes sont complémentaires : les semences vendues par Monsanto requièrent les pesticides de la même marque pour être efficaces. La Commission européenne, qui est l'institution garante de la concurrence au sein de l'Union Européenne, a néanmoins autorisé cette fusion en mars 2018, en contrepartie de la cession d'actifs du groupe Bayer-Monsanto, à hauteur de 6 milliards d'euros. 

    Et les risques sanitaires ? 

    Concernant les problèmes sanitaires, ils sont à trouver dans les composants des pesticides, dangereux pour la santé. Ainsi, mercredi dernier, le groupe Bayer-Monsanto a été contraint de verser 80.3 millions de dollars à un plaignant américain atteint d'un cancer, pour cause de manque d'informations sur les risques liés à l'utilisation du produit Roundup. Il est difficile de mesurer le lien direct entre l'utilisation de l'herbicide et la probabilité de développer un cancer, mais les cas recensés se multiplient. 

    Suite à cette affaire, le cours de Bayer sur les marchés financiers s'est effondré à son plus bas niveau depuis 2012. On remarque bien ici au passage la réactivité instantanée des marchés à l'affaiblissement de l'image de l'entreprise par une affaire judiciaire.

     

    *Lexique

    Oligopole = situation de marché composée de quelques offreurs pour une multitude de demandeurs. 


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    Au cours de l'année 2019 devrait se mettre en place une nouvelle réforme épineuse du système de retraites. Cette réforme risque de cristalliser les oppositions, tant la question des retraites a suscité de mouvements de contestations ces dernières années (le dernier en date étant celui de 2010 lorsque l'âge de départ légal est passé de 60 à 62 ans).

    Quelles sont les caractéristiques du régime actuel ?

    Le régime de retraite français est un régime dit par répartition. On le distingue du régime de retraite par capitalisation, utilisé par exemple aux Etats-Unis. Les deux régimes de retraite se différencient par leur mode de financement. Dans le régime de retraite par répartition, les actifs cotisent pour financer les retraites des retraités actuels. C'est un système qui repose sur la solidarité inter-générationnelle (entre générations). Il a été instauré en France en 1945 par l'ordonnance créant la sécurité sociale. Au contraire, le régime de retraite par capitalisation prévoit que les actifs constituent une épargne dans le but de financer leur propre retraite. 

    Le système français est-il en péril ?

    Pourquoi les réformes de notre système de retraite sont régulièrement débattues ? La réponse réside dans les difficultés pour financer ce système. En effet le régime général, à l'équilibre en 2018, risque d'être en déficit dès 2019. L'ensemble des régimes pourrait atteindre un déficit de 8 milliards en 2021. Le conseil d'orientation des retraites a établi des projections selon lesquelles le retour à l'équilibre ne serait pas atteint avant 2035-2040.

    Quelles sont les raisons de ces difficultés de financement ? La principale explication est à trouver dans l'évolution du ratio cotisants / retraités, c'est à dire le nombre de cotisants nécessaires pour financer une retraite. Dans les années 60, on comptait 4 cotisants pour 1 retraité. En 2017, ce ratio s'élève à 1.7... Cela s'explique notamment par le vieillissement de la population. À titre d'illustration, les individus âgés de plus de 65 ans représentaient en France 19.8% de la population en 2018, tandis qu'en 1960, les individus de 60 ans et plus ne représentaient que 6.6% de la population totale. 

    Ce que prévoit la nouvelle réforme

    Pour l'instant, le contenu précis de la réforme n'a pas été dévoilé. Toutefois Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, a laissé entendre que l'âge légal de départ à la retraite pourrait être repoussé, avant de se raviser. Quelles sont les grandes lignes de la réforme ?

    -Celle-ci prévoit un régime universel qui se substituerait aux 42 régimes existant actuellement, qui diffèrent selon le secteur d'activité, le statut la pénibilité du travail... Certains régimes spéciaux verraient donc leurs avantages mis en péril.

    -En outre, le nouveau régime comptabilisera l'ensemble de la carrière (et non plus les 25 meilleures années dans le privé, et les six derniers mois dans le public) dans le calcul de la retraite. Cela signifie concrètement que pour de nombreux salariés, le salaire retenu pour calculer le montant de la retraite sera plus faible qu'auparavant.

    - Est également prévue l'instauration d'un niveau minimum de retraite, dont le montant sera négocié par les partenaires sociaux.

    Je rédigerai un nouvel article lorsque le contenu précis de la loi sera connu afin de rentrer davantage dans les détails !

     

     *Lexique

    actifs : personnes qui ont un emploi ou qui en cherchent un. On les distingue des inactifs qui n'ont pas d'emploi et qui n'en recherchent pas.

    partenaires sociaux : représentants des principaux représentants des syndicats de salariés, et des organisations patronales.


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  • La cessation d’ADP (Aéroports De Paris) est prévue dans la loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) qui comporte de nombreuses mesures qui visent à simplifier les procédures de création des entreprises, de liquidation judiciaire, à réduire certaines charges pesant sur les PME dans le but de stimuler l’activité économique et l’emploi. Le groupe ADP gère notamment les aéroports de Paris-Charles-De-Gaulle, d’Orly et du Bourget. L’État détient actuellement 50.6% des parts de l’entreprise qui demeure une des principales entreprises publiques françaises. 

     Pourquoi privatiser le groupe ADP ? 

    La décision de privatiser le groupe ADP (on parle d’ailleurs plutôt d’une concession sur une durée de 70 ans) peut paraître étrange : le chiffre d’affaire du groupe s’élevait à 4,47 milliards d’euros en 2018. Les profits réalisés par une entreprise publique alimentent les recettes de l’État. Toutefois, le ministre de l’économie Bruno Le Maire, à l’origine du projet de loi PACTE, avance des arguments stratégiques. La vente des parts d’ADP permettrait à l’État d’alléger la dette publique de 0.5 points et d’alimenter un fond qui favoriserait l’innovation des entreprises. 

    Quels sont les risques de cette privatisation ? 

    La privatisation d’ADP présenterait des risques. En réalité, tout dépend si l’on considère que le groupe ADP constitue un monopole naturel. Un monopole est une situation de marché qui présente un seul vendeur pour une multitude d’acheteurs. Le monopole est dit naturel lorsqu’il est préférable que l’activité soit prise en charge par un seul acteur, en raison notamment des coûts fixes importants. Le monopole naturel concerne principalement les activités de réseaux (aéroportuaires, de transport ferroviaire, d’énergie…). Dans la théorie économique, il est plus efficace qu’un monopole naturel soit confié à l’État. Un acteur privé serait en effet tenté d’augmenter exagérément les prix au détriment du consommateur, puisqu’il est libre de les fixer, n’ayant pas à subir la concurrence. 

    Il y a débat sur cette question. Pour les défenseurs de la privatisation, le groupe ADP ne constitue pas un monopole naturel, puisque les aéroports parisiens seraient en concurrence avec les principaux aéroports européens. Pour les opposants à la privatisation au contraire, ADP est bien un monopole, comme en témoigne le fait que 80% des voyageurs étrangers en France transitent par les aéroports du groupe… 

     Vers un "État stratège" ? 

    Si le débat économique existe, la privatisation d’ADP symbolise le retrait de plus en plus affirmé de l’État des activités économiques. Elle s’inscrit à la suite de nombreuses privatisations depuis les années 1980, dont la dernière en date est la Française Des Jeux. On parle aujourd’hui d’ « État stratège », ou d’ « État régulateur » pour désigner un État qui se désengage de la sphère économique pour se recentrer sur ses activités « essentielles » que sont les services publics, les activités régaliennes… 

     

    *Lexique : 

     PME = Petites et moyennes entreprises. Ce sont les entreprises qui comptabilisent entre 10 et 250 salariés. 

     entreprise publique = entreprise qui est détenue à plus de 50% par l’État. 

     dette publique = somme des déficits accumulés par les administrations publiques (APU). Rappel : le déficit est la situation dans laquelle les dépenses d’une administration sont supérieures à ses recettes au terme d'une année. 


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